Sexisme ordinaire et femmes en situation de pouvoir : le témoignage de Caroline

Plusieurs femmes provenant de diverses régions du Québec ont participé à un laboratoire d’exploration unique organisé par Citoyenneté jeunesse dans le cadre d’Amplify, un projet transatlantique de deux ans visant à amplifier la voix des jeunes dans la recherche de solutions durables. Ce laboratoire portait sur l’égalité des genres sous la lunette spécifique du sexisme ordinaire vécu par les femmes de 35 ans et moins. 

Parler de la question du sexisme ordinaire, c’est ouvrir le dialogue sur l’importance de la représentativité des femmes dans les instances décisionnelles. Citoyenneté jeunesse est heureuse de collaborer avec les participantes du laboratoire et d’offrir un espace où quelques jeunes femmes pourront partager leur expérience dans le cadre d’une série de témoignage. 

Pour en apprendre plus sur le projet Amplify : https://oxfam.qc.ca/amplify-fr/

Le témoignage de Caroline Gallant

Décris-nous, en quelques phrases, ton parcours professionnel et engagé.

Je suis celle qu’on n’accueillait pas facilement dans les cercles d’amitié, lorsque j’étais enfant. J’avais des idées, des valeurs, des opinions, dites différentes des jeunes filles de mon âge. J’étais (je suis) une rebelle-sage. C’est encore le cas, je connais beaucoup de gens, mais j’ai peu d’amis(es).
 
À l’âge de 28 ans, j’étais mère monoparentale de trois jeunes enfants, sans formation, avec un revenu plus bas que le seuil de la pauvreté, car je travaillais dans un commerce de détail. Habitant dans un HLM, en région éloignée, je me suis levée un bon matin et j’ai décidé de relever les manches de mon plus grand des chandails, celui qui était le plus lourd, celui qui m’entraînait vers le fond de la pauvreté, à tous les niveaux. J’ai décidé de retourner sur les bancs de l’école.
 
S’en sont suivis 7 ans de prêts et bourses, des mini-emplois (qui diminuaient mes bourses…), un déménagement vers Lévis, trois appartements différents, la crise d’adolescence d’un de mes enfants, la rencontre de mon mari (encore aujourd’hui), un bébé de plus, une dépression, des fins de mois pas toujours faciles, des demandes de bourses de persévérance pour acheter des bottes d’hiver à mes enfants, des visites au comptoir alimentaire, […] , de l’aide de mes parents, pour finalement décrocher à la fin de ce parcours, un BAC en administration des affaires qui selon moi, ressemble davantage à une maîtrise finance, gestion de crise, gestion de projets et interventions!
 
Voilà 9 ans que je suis sur le marché du travail avec mon diplôme en poche! J’ai été agente d’administration, agente de projets, coordonnatrice de projets, et maintenant directrice générale d’une entreprise d’économie sociale sans but lucratif reconnue sur la rive-sud de Québec.
 
Écolivres a pour mission de permettre à des gens, qui ont rencontré (ou qui rencontrent) des défis dans leur vie, d’avoir une chance d’évoluer sur le marché du travail. Le prétexte? Les produits culturels de seconde main. Et l’une de mes première tâche était de relever l’organisation qui avait des difficultés financières. Après 2 ans, je dois vous avouer que j’y arrive malgré tout! Aujourd’hui, je peux vous dire que je suis vraiment à la bonne place, au bon moment

Parle-nous d’un moment où tu as vécu du sexisme ordinaire, au travail ou dans ta vie personnelle (ou d’un moment où tu en as été témoin).

Cela s’est produit au sein d’un conseil d’administration où j’étais administratrice avec d’autres administrateurs (masculin), juste avant la rencontre, dans une discussion entre collègues sans égard à ce que je sois présente ou non.
 
Dans l’informel, avant la rencontre, un collègue masculin parlait d’une conseillère municipale en l’appelant « Cette perruche-là… ». Nous avons tous les droits de ne pas « aimer » quelqu’un ou de ne pas aimer ses actions, mais de là à dénigrer ou manquer de respect à l’intégrité de la personne… Non, ça passe pas. J’avais alors souligné: « Perruche? » et on m’a fait sentir ridicule en me disant que ce n’était qu’une expression… 
 
Je n’ai pas rajouté là-dessus, j’aurais dû. Et encore, si je l’avais fait, je serais devenue la perruche qui se choque pour rien à ses yeux? Quelqu’un me faisant sentir comme ça attendra longtemps avant d’avoir mon adhésion ou ma collaboration.

En quoi des gestes constituant du sexisme ordinaire peuvent freiner l’accès des femmes aux milieux de pouvoir ?

Ce genre de sexisme, surtout dans l’informel, ne créer pas de force vive, d’adhésion aux actions concrètes et/ou de collaboration avec les forces de tous. Cela freine les milieux décisionnels et les instances dans leur croissance et empêche les organisations d’avancer dans le temps et au rythme de la société. Les femmes ont leur place, car elles apportent un point de vu différent. Les commentaires faits dans l’informel, comme ceux mentionnés plus haut, ne me pointe pas personnellement, mais me positionnent comme incohérente et inappropriée aux yeux des autres administrateurs, voire même dans mes propres yeux. Au final, tu finis par éviter de prendre position, car tu ne veux pas être diminuée dans ton intégrité, aux yeux des autres…

Quel est, selon toi, le meilleur moyen pour qu’il y ait davantage de femmes dans les lieux de pouvoir au Québec ?

Les femmes sont intelligentes et elles savent où mettre le temps et l’énergie (connaître les priorités). Ainsi, quand nous avons plusieurs chapeaux, nous n’avons nullement de temps ou d’énergie à perdre. Ça s’appelle choisir ses batailles.

Personnellement, je ne m’arrête plus jamais sur le négatif. Il faut ignorer les gens qui sont ignares et suivre les gens positifs! Cesser de se culpabiliser, faire fi de ce que les autres pensent et avancer malgré tout! Ne pas s’attarder à ceux qui médisent, car à force de se faire ignorer, ils finiront par perdre le pouvoir qu’ils ont sur nous.

Plus encore, il faudrait trouver un moyen d’enseigner la répartie pour répondre de façon à faire prendre conscience aux gens qu’ils atteignent l’intégrité de la personne en disant/ en agissant de la sorte.

Quelle autre femme de ton entourage occupant un lieu de pouvoir trouves-tu inspirante ?

Marie-Chantal Imbeault, directrice des ressources humaines chez Filco.

DÉFINITIONS

Sexisme 

Attitude discriminatoire fondée sur le sexe.

LAROUSSE

Sexisme ordinaire

Banalisation d’attitudes, de comportements ou de réflexions misogynes.

Le Devoir 

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